Marc Désaubliaux, Un été anglais, AMH Communication.

« Et moi je me fis tout petit, ne sachant quelle attitude prendre. Pourtant, j’étais partagé entre ma timidité et un sentiment de fierté d’être l’hôte de ces gens que tout le monde semblait respecter. Du plomb sous mes semelles. Nos places au premier rang, dans une sorte de stalle. Margaret m’expliqua que j’occupais le siège de Wil’. »

« Pendant tout le repas le pied déchaussé de mon hôtesse me caressa le mollet, caresses rendues invisibles par une longue nappe qui touchait presque le sol. Au début, j’avais pensé au hasard et j’avais vivement retiré ma jambe. Mais le pied fureteur de Margaret vint la rechercher et la tirer vers elle. Pendant ce temps, son regard m’ignorait, fixait celui de son mari. Mon étonnement. Que faire, que penser ? »

J’espère que vous vous portez bien, que vous trouvez le temps de lire. La lecture tient aujourd’hui un rôle plus important que jamais. A vous lire, je sais qu’elle peut vous aider à penser à autre chose, à évacuer le stress permanent qui ne nous quitte plus depuis mars 2020. En ce qui me concerne, depuis le début de la pandémie, j’ai changé de style de lectures. Moi qui ne raffolais pas de romans historiques, de romans policiers ou de romans de science-fiction, je les dévore désormais ! J’ai laissé quelque peu de côté les histoires de vie, qui, peut-être, ne me suffisent plus à cette évasion tant recherchée à la lecture d’un livre. Je tiens tout d’abord à remercier Babelio, ainsi que la maison d’édition, pour cet envoi. Je ne connaissais pas l’auteur, et je peux déjà vous dire que j’ai été conquise ! Encore une découverte pour ce mois de janvier…

Fabrice est un jeune adolescent de quinze ans. Ses parents, avec qui il n’est pas très proche, l’envoient passer un mois de l’été 1968, chez une famille, riche, anglaise : les Crown. Un séjour linguistique. Très vite, le jeune garçon voit en Margaret, la maîtresse de maison, épouse de Sir Crown, et mère de Mary et Wil’, une maman de substitution. Jusqu’au jour où Lady Crown propose à Fabrice de lui apprendre à embrasser… Un séjour éducatif sur bien des plans… Mais que gardera Fabrice de cet été 1968 ?

Un roman à deux temporalités : celle du jeune Fabrice de quinze ans, qui découvre l’amour, et celle du Fabrice, plus de quarante ans plus tard, qui fait le constat amer de cet apprentissage. Des descriptions précises permettent au lecteur de s’imaginer dans ce manoir anglais, auprès de l’étrange famille Crown. On plonge dans la tasse de thé, reflet de l’univers anglais des années 70. Parfois, on boit la tasse, tant le personnage de Margaret peut être cruel. Un coup de coeur pour ce roman !

Stéphanie Castillo-Soler, Libres dans leur tête, Librinova.

« On pourrait croire que l’enfermement a des vertus anesthésiantes; c’est le contraire. En prison on a le temps d’analyser, de réfléchir, de ressasser, et les sentiments, les émotions sont exacerbés. »

« Sans leurs dérapages respectifs comme il les appelle pudiquement, les trois hommes n’auraient certes jamais connu l’enfer de la prison. Mais leurs chemins ne se seraient pas non plus croisés. Ils ont construit une amitié solide comme on en construit difficilement à l’extérieur, où chacun vit davantage pour soi. La dure réalité de la prison montre aux hommes le vrai sens du mot solidarité. Sans elle la survie est quasi-impossible. »

Ce n’est plus un secret maintenant, mais si j’aime lire mes auteurs préférés, j’adore découvrir de nouveaux auteurs. Aussi, ce livre fait partie des découvertes, arrivées dans ma boîte aux lettres, après un échange avec l’autrice. C’est tombé ainsi, mais la plupart des autrices qui prennent contact avec moi sont aussi professeur. Je salue au passage Christelle Saïani, dont la Lumière éblouit de plus en plus le monde de la lecture ! Stéphanie Castillo-Soler, autrice du livre que je vous présente aujourd’hui, est la lauréate du concours Librinova dont le thème était celui du huis-clos…

Romain, jeune homme au passé douloureux mais qui a l’avenir devant lui, s’écarte de son chemin et commet l’irréparable. Complice de vol et de meurtre. Tout s’accélère, et le voilà en prison. Il partage sa cellule avec Laurent, même âge que lui. Si d’apparence c’est une bonne nouvelle, Laurent fait très vite sentir à son nouveau colocataire qu’ils n’ont pas le même niveau intellectuel. Pourtant, après quelques échanges des moins engageants, les deux prisonniers apprennent à se connaître. Comment cette amitié naissante va devenir leur véritable repaire, repère ?

Un texte qui met en avant les valeurs fondamentales – mais trop souvent oubliées – de la société : l’entraide, la solidarité et le respect de l’autre. On s’attache de la même façon à ces deux bad boys qui ne le sont pas vraiment. On assiste à la croissance des deux personnages, qui prennent confiance en eux et deviennent altruiste. Ils œuvrent pour la liberté, en étant conscients à chaque instant, que cette liberté passe d’abord par celle de l’esprit. Aussi, la lecture est grandement mise en avant et nous-mêmes, lecteurs, sommes libres dans nos tête lorsque nous parcourons les pages. Un roman aux multiples réflexions sur la vie, sur la société.

Collectif, Elle est le vent furieux, Flammarion.

« Chacun voulait continuer à (se) faire croire qu’il était différent, qu’il n’était pas monstrueux, qu’il était plus humain que les autres humains. Mais en vérité, c’était avoir le corps recouvert de plantes qui était éminemment humain. C’était ça, désormais, la normalité. »

« Qui je suis ? Je suis partout – l’air que vous respirez, le sol sur lequel vous marchez, l’eau que vous consommez. Je suis Gaïa et je ne vous supporte plus ».

Je remercie tout d’abord Babelio qui m’a permis de connaître ce livre, et de rencontrer les autrices par visio : Sophie Adriansen, Marie Alhinho, Marie Pavlenko, Coline Pierré, Cindy Van Wilder, Flore Vesco. Cette rencontre virtuelle a été un joli prolongement de cette lecture singulière. Si je ne connaissais pas les six autrices, j’ai pu lire leurs romans en amont. Aussi, je vous ai présenté la semaine dernière Ma fugue chez moi de Coline Pierré. Vous aviez pu (re)découvrir Je suis ton soleil de Marie Pavlenko l’année passée sur mon blog. Je profiterai du mois de janvier pour publier les autres chroniques concernant les autrices de ce collectif. Ce recueil, agencé par Flammarion, est une suite de nouvelles. Marie Pavlenko est à l’origine de ce projet : le prologue a été écrit il y a quelques temps. Quoi de mieux qu’un début d’année pour s’interroger sur les problématiques actuelles, et se recentrer autour de Dame Nature, garante de notre existence et de notre survie…

Dame Nature est en colère… L’Homme ne respecte plus rien entre la surconsommation et dégradation de la planète. Etre profondément égoïste et imbus de lui-même, il se considère au-dessus de Dame Nature et de la faune. Mais ceux-ci n’ont pas dit leur dernier mot… Et si la Terre avait décidé de dire stop ? Et si elle se rebellait pour faire comprendre à l’Homme qu’il devient inhumain ? Et si la Nature utilisait la technologie pour faire passer son message ?

Ce recueil est dans l’air du temps. Les problématiques de l’écologie, de notre mode de vie, de notre point de vue sur le monde, sont au centre de ce livre. Même la crise que nous traversons se retrouve dans ce roman. On oublie vite le format nouvelle, tant la cohérence de ce recueil est grande. On assiste à des épisodes – plus ou moins réalistes – d’une Nature qui ne veut plus de ce mode de fonctionnement. Un livre coup de poing et coup de cœur qui résonne, et qui raisonne, en nous. Ces nouvelles nous touchent et sauront toucher les plus jeunes. Comme l’ont rappelé les autrices lors de la rencontre, c’est la nouvelle génération qui va pouvoir changer les choses. Il est temps d’entendre les avertissements de Dame Nature, avant d’essuyer une tempête qui pourrait être furieuse…

Coline Pierré, Ma fugue chez moi, Rouergue.

« Mes parents ont une drôle de relation. Quand ma mère rentre à la maison, ils font comme si de rien n’était, mais je sais qu’elle dort sur le canapé. Le matin, elle est toujours debout avant tout le monde. Le canapé est replié, les coussins sont à leur place. Tout est trop bien rangé. Je fais comme si je ne remarquais rien. Je prends part à ce grand mensonge, je joue le jeu de la famille normale pendant quelques jours, parce que ça me fait du bien. J’ai envie d’y croire. L’espace d’un instant, je n’ai plus besoin de faire l’effort de m’inventer une mère, je peux simplement profiter de celle qui est là, et récolter quelques souvenirs comme une collection de feuilles mortes. »

« Je pense à la vie future, à ce à quoi elle ressemblera. Etrangement, même si rien n’a changé, j’ai repris confiance en moi. Comme si m’isoler m’avait permis de me retrouver, de mieux savoir qui je suis et ce que je veux. Comme si mettre le quotidien en pause m’avait aidé à mieux le reprendre. J’ai l’impression d’avoir fugué à l’intérieur de moi. »

Tout d’abord, je vous souhaite une merveilleuse année 2021, une bonne santé pour vous, et vos proches, que de bons moments à partager, des éclats de rire, et, bien évidemment, de jolies lectures ! Je souhaite, comme nous tous – je pense – que nous puissions nous débarrasser de ce vilain virus qui s’est installé il y a presqu’un an sur la planète Terre. J’ai choisi de vous présenter ce livre aujourd’hui, parce que, finalement, en 2020, nous avons tous appris à fuguer chez nous ! Y compris hier soir lors du réveillon !

Anouk, adolescente en troisième, n’est plus dans la classe de Marina, sa meilleure amie. Un climat tendu s’installe entre elles jusqu’à ce que la guerre soit franchement déclarée ! Anouk en a assez : elle fugue. Après quelques instants à errer dans le froid de décembre, Anouk décide de fuguer…chez elle. Son plan fonctionnera-t-il ? Quel sera l’impact de cette fugue particulière sur elle et sur sa famille ?

J’ai lu ce roman en deux fois. On veut toujours savoir ce qu’il va advenir de cette jeune fille. L’idée de fuguer chez soi paraît au début complètement folle et inattendue, mais semble évidente au fil des pages. Derrière cette fugue au sens propre, on suit l’évolution d’Anouk qui fugue son propre esprit, et qui apprend à se connaître dans ce petit espace, cachée chez elle. Un livre à lire et à étudier avec nos élèves, tant pour l’aspect littéraire que pour aborder les thèmes chers à l’adolescence.